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Le paradoxe des valeurs en contexte interculturel : pistes stratégiques pour l’hôtellerie

Lorsqu’un groupe hôtelier se développe à l’international, ses équipes, du design à la formation, en passant par le marketing, doivent relever le défi de comprendre les systèmes de valeurs qui influencent le comportement des clients selon les cultures. Cet article explore le paradoxe des valeurs en proposant des exemples en hôtellerie, en s’appuyant sur des approches comme celles de Marieke de Mooij (Global Marketing & Advertising Understanding Cultural Paradoxes) et le modèle des six dimensions de Geert Hofstede.

EXPÉRIENCE CLIENTHÔTELLERIEINTERCULTUREL

Lamya Valter Schmidlin

5/21/20254 min lire

Le désiré vs. le désirable : une distinction essentielle

Au cœur du paradoxe des valeurs se trouve la différence entre le désiré et le désirable. Cette distinction est clé pour concevoir des services et des stratégies qui font sens dans différents contextes culturels.

  • Le désiré correspond à ce que les individus veulent pour eux-mêmes, leurs choix personnels et ce qui est important pour eux. Il touche au « moi » et au « toi »

  • Le désirable fait référence aux normes sociales, qu'elles soient descriptives (ce que les gens font) ou injonctives (ce qu’on devrait faire), exprimées en termes de bien ou de mal. Il reflète ce à quoi un individu est censé adhérer, et concerne la société dans son ensemble

En communication promotionelle, ces deux aspects peuvent se manifester de manière complémentaire. Par exemple, une campagne pour un hôtel haut de gamme pourrait intégrer ces deux valeurs via : 

  • Le désiré mis en avant par des messages personnalisés comme : offrez-vous le luxe d’une parenthèse parfaite -> Cela s'adresse aux choix individuels du consommateur, à son envie de détente et d’expérience personnalisée

  • Le désirable illustré par des normes sociales collectives, comme l’écoresponsabilité : Séjournez dans un établissement respectueux de l’environnement -> Ce message fait écho à la norme sociale actuelle, où il est désormais attendu de concilier confort et responsabilité écologique

En combinant le désiré et le désirable, la campagne répond aux désirs personnels du client et aux attentes collectives de la société, créant un message pertinent. Selon les pays, l'écart d'alignement entre désiré et désirable peut varier.

Japon vs. États-Unis : deux exemples concrets

Au Japon, où prédominent le collectivisme, la tradition et l'évitement de l'incertitude*, les repas en famille sont courants. La vie familiale ne se met pas en scène : elle fait partie du quotidien. Les offres ou messages centrés sur la famille peuvent donc paraître redondants. Ici, désiré et désirable convergent vers l’expérience collective.

Aux États-Unis, l’individualisme et le rythme de vie fragmenté* font des repas partagés un idéal plus qu’une réalité. Une publicité montrant une famille réunie touche un besoin personnel : le désiré. Cependant, en pratique, les repas se prennent souvent seul. Le désirable, c’est cette image d’unité familiale, valorisée culturellement, mais rarement vécue au quotidien.

*(The 6-D model of national culture G. Hofstede - traduction par Lamya Valter Schmidlin)

Ces nuances montrent l’importance d’adapter à la fois l’offre et la communication au croisement de ces deux dynamiques. Sinon, l’expérience risque d’être perçue comme inadaptée ou hors sujet. Pa exemple, au Japon, une publicité pour un restaurant pourrait simplement souligner l'authenticité et la qualité des plats : « Savourez chaque bouchée. ». Le côté collectif est implicite et ne nécessite pas de mise en avant particulière. On peut donc adopter un ton subtil et naturel. Aux États-Unis, une campagne pour un même restaurant jouerait sur l'idéal de la réunion familiale, mais avec un ton plus personnel et aspirational :  « Créez des souvenirs en famille, autour d'un repas inoubliable. » et la référence à l'optimisation du temps et l'individualité serait reflétée à travers le produit et la proposition principale.

Paroles vs actes : l’écart entre ce qu'un client dit vouloir et son comportement

Un des défis pour les marques hôtelières est de comprendre et combler l’écart entre les intentions exprimées par les clients et leurs comportements réels. Ce phénomène est documenté dans le travail de Marieke de Mooij, qui souligne, dans ses études quantitatives et sondages à travers les cultures, que de nombreux consommateurs affirment vouloir adopter des comportements écoresponsables, mais que ces intentions ne sont pas refletées dans le comportement d'achat. Par exemple, si les consommateurs expriment le désir de consommer des produits durables, lorsque vient le moment de l'achat, des facteurs comme le prix, la commodité ou la disponibilité l’emportent souvent sur les préoccupations environnementales (se réferer au tableau 3.1, chapitre 3 de Marieke de Mooij, Global Marketing & Advertising - Understanding Cultural Paradoxes).

Dans l’hôtellerie, si de nombreux clients déclarent une préférence pour les hôtels durables, les comportements réels peuvent ne pas refléter cet engagement. L’enjeu pour les marques hôtelières réside dans l'intégration de ces préoccupations écologiques tout en répondant aux attentes pratiques des consommateurs. L'idée peut être de communiquer de manière claire mais aussi subtile sur leurs initiatives écologiques afin de montrer que ce choix se fait sans compromettre les aspects comme le confort ou l’expérience premium, et qu'il s'agit bien d'une partie intégrale de l'expérience haut de gamme.

Ancrer la conscience interculturelle dans le développement hôtelier

Les études interculturelles et modeles proposés de Geert Hofstede ou de Marieke de Mooij sont des outils pour les professionnels cherchant à se développer sur des marchés internationaux. Coupler la compréhension de ces études à la réalité terrain de l'hôtellerie permet de renforcer la pertinence culturelle de la marque à l'échelle internationale qui se transformera en un levier de croissance à long terme.

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Pour plus d'informations et pour en discuter, contactez-moi via lamya@lvsacrosscultures.com ou échangeons sur Linkedin, juste ici !

Lamya Valter Schmidlin

Rosewood Amsterdam - Studio Piet Boon design, par Lamya Valter Schmidlin